Nawal Raad









De la danse au quotidien... 

Née au Liban, pays où j’ai grandi, la danse a grandi en moi. Petite fille, subjuguée par les danses égyptiennes et indiennes des cinémas égyptien et indien, mes yeux d’enfant devenaient tout grands devant la beauté des mouvements d’un corps qui dansait à l’écran. 
Toute seule, devant le miroir, je reproduisais les danses imprégnées dans ma mémoire. Spontanément et très souvent, je me levais danser entre amies, en famille, autour d’un thé, dans les fêtes, les soirées et les mariages. C’est vers l’âge de onze ans que je suis montée pour la première fois sur scène pour danser en solo, vêtue d’une ghalabia, d’une ceinture à sequins, un bâton à la main, lors d’une fête organisée par le comité de mon village. 
La danse m’était familière, elle faisait partie de mon quotidien, naturellement intégrée. Elle n’était pas cet art inaccessible réservé à des professionnels. 

La danse orientale d’influence égyptienne était souvent présente dans nos moments festifs, sans oublier la DABKE, cette danse folklorique libanaise qui est à la portée de tous : hommes, femmes, enfants. Tout le monde se prenait par la main, et d’un seul pas, d’un seul écho, avec une même joie, la DABKE faisait revivre le passé dans le présent, la tradition dans l’actualité, et mettait la montagne au cœur de la ville. 

C’est à Beyrouth que j’ai commencé en 1992 mes cours de danse orientale avec le chorégraphe Toni Ibrahim, et en 1996 travaillé la danse orientale moderne avec Natacha Antonello . Sans relâche et avec assiduité, cette fois-ci à Paris à partir de 2000, j’ai travaillé en profondeur avec Souraya Baghdadi au sein du CDO, la barre au sol avec Hassan Ben Gharbiya, et la dabké avec Mohammad Haidar. Ce travail a été enrichi avec la méthode holistique de Souraya Hilal et Marie El Fajr en 2007 (danse Cha’bi), et la découverte de la danse tzigane turque avec Béatrice Lavielle, la danse soufi contemporaine avec Ziya Azazi , et la danse japonaise Butô avec Juju Alishina et Atsushi Takenouchi. 


A la danse sur scène... 

C’est en 2001, à l’Unesco, pour la journée mondiale de la francophonie que ma participation se manifesta sur scène : avec Souraya Baghdadi, Mohammad Haidar, Hassan Ben Gharbiya, et d’autres danseuses , les danses orientales et la Dabké étaient au rendez-vous pour raconter l’épopée de Antar et Abla. D’autres spectacles ont eu lieu à Andrézieux –Bouthéon, à Saumur, à Rouen, à Béziers, à Dijon, à Genève, à Paris, à l’institut du monde arabe, dans le cadre de manifestations culturelles et festivals. 

Une rencontre artistique avec Abaji , www.abaji.net , musicien – compositeur, est née en 2006. Abaji m’invita à danser au Divan du monde à Paris sur quelques morceaux de son CD Nomad Spirit , puis dans d’autres spectacles à Serris (en France), à Alger (capitale culturelle du monde arabe en juillet 2007), au festival d’été de Genève en juillet 2007, au musée du Quai Branly en janvier 2008, lors d’un master classe. Le 25 juin 2008, un duo musique-danse sera au rendez-vous à Givry en (Bourgogne), et d’autres projets encore sont à venir. 

De la danse vécue au quotidien au Liban, à celle sur scène en France et ailleurs, mon parcours avec cet art est celui d’une exilée qui raconte sur scène des bribes d’histoires, quelques contes où je me raconte... 


L’ART DE DANSER 

On parle mieux de la danse en dansant qu’en publiant des explications. Un art aussi complet devrait se passer de commentaires. Chercher dans l’histoire de l’humanité et dans la nature les formes les plus belles et trouver le mouvement qui exprime la grâce de ces formes : tel est l’art de danser. 
Danser, c’est créer avec son corps comme un poète crée avec ses mots. 
Quand on danse, on se livre à la joie austère de cet art. 


QU’EST-CE QUE LA DANSE ?

Définition ardue ! Posez cette question à plusieurs danseurs et danseuses, et vous obtiendrez plusieurs réponses différentes. Pour certains, il semble que ce soit des états particuliers de vie, transposés par l’esprit et exprimés par le corps. C’est se livrer à soi et se livrer à l’autre. C’est se donner corps et âme. C’est se donner entièrement et offrir son cœur pour toucher ou émouvoir celui des autres. Sans cela, la danse ne serait qu’une froide gymnastique, et le plus inutile des mouvements. 

En dansant j’ai compris que la danse n’a que faire de tours de forces inutiles, qui la rabaissent aux performances sportives, mais elle a besoin d’un grand élan spirituel pour devenir la synthèse d’un langage artistique. On peut être troublé par une danse sans effort apparent, mais il ne faut pas oublier le langage expressif d’un geste, d’une attitude, d’une immobilité, d’un regard, d’un silence... 

La danse est une première aspiration vers l’expression de soi, premier langage humain pour exprimer les émotions obscures, dire les joies indicibles, grandir la douleur. 


LA DANSE ORIENTALE 

La danse orientale peut tout exprimer par la combinaison très pure de ses mouvements qui s’articulent autour du concept des contrastes : fluidité-accents, contraction-relâchement, interiorité (des émotions) -externalité exubérance (des mouvements), isolation-globalité. La danse orientale sollicite les bras, le buste, les hanches, le ventre , les jambes, et aussi les organes internes du corps pour aller toucher au plus profond des viscères. 

C’est une danse viscérale. Elle touche le noyau du corps, la partie centrale des émotions, qui se situe dans la zone abdominale. C’est à partir de cette zone que le corps se réveille, que les bras se déploient et se croisent, que le buste et les hanches effectuent des glissements latéraux et des mouvements circulaires, horizontaux et verticaux. 
Se placer dans son corps va bien au-delà de l’aspect esthétique. 
Être dans son corps, c’est se l’approprier et poser sur lui un regard confiant. 


LA DANSE...à ma manière 

Tradition et modernité- diversité et langage multiple. 
La danse sur scène et la musique vivante étaient pour moi un lieu d’improvisation. 
Mon expression et mon interprétation viennent s’adapter à la musique. 
Mon corps accompagne la musique qu’elle soit purement orientale, traditionnelle, ou d’autres horizons. 
Je n’impose pas la danse orientale à chaque fois que je danse, mais je danse plutôt avec une expression orientale ornementée par des nuances d’autres formes dansées. Je ne fige pas la danse orientale dans son expression pure, mais je voyage à travers elle pour en visiter d’autres. 

Pour moi, danser c’est danser la danse, danser le corps, danser la musique qu’on vit. 
Intrinsèquement ancrée dans la danse orientale traditionnelle, je fais des détours en passant par des formes plus larges, modernes et contemporaines. Un voyage dans le passé, un autre dans le présent, et la danse devient atemporelle et multiple. 
La danse n’est-elle pas une matière aussi vaste et diversifiée que le sont les mœurs et les hommes ? N’est-elle pas une manière d’ouvrir son corps à la diversité culturelle et aux langages multiples ? 

La tradition est ma base, la diversité mon champ expérimental.